Lien vers les textes et diaporamas autour de la présentation.

Au travers de la présentation d’une expérience inédite, « le Boomerang : un espace de gratuité mobile », mise en place par des éducateurs-chercheurs d’un club de prévention spécialisée (APSAJ), dans le cadre d’une recherche-action pilotée par le laboratoire Lignes de crête, nous aimerions réfléchir sur le positionnement institutionnel et professionnel qui peut favoriser la participation des personnes.

Qu’est-ce qu’un espace de gratuité ? Il s’agit d’un contenant ouvert, où chacun peut prendre et/ou donner des contenus et participer de façon libre à sa maintenance et à son animation. Dans cette recherche-action, démarrée depuis plus de deux ans, ce format permet de proposer un outil convivial, au sens d’Illich, évolutif, gratuit, ouvert, simple et facilement « appropriable ». Mobile, cet outil circule, en s’appuyant sur un camion et des caddies, entre des quartiers en rivalité afin d’agir sur les frontières mais aussi offrir aux jeunes un outil qu’ils peuvent mobiliser pour tenter d’enrayer la spirale de la violence qui les affecte ; et plus généralement, solutionner leurs propres problématiques dans le cadre d’une démarche de développement endogène. À cette fin, cette recherche-action mélange « l’aller vers », la dimension collective, la libre participation (maintenance, transformation et utilisation de l’outil) et la liberté pour chacun d’agir et de « construire son propre sens à l’action ».

Nos premières observations montrent que cette démarche s’avère propice à l’échange, à la réflexion et à la rencontre. Elle crée du lien social, facilite la mobilisation des usagers et induit un croisement entre l’expertise des usagers et celle des professionnels. Elle assure en effet un rééquilibrage des rapports de savoir, de pouvoir et de responsabilités entre professionnels et usagers-citoyens. L’explication la plus plausible de ce phénomène est que la gratuité, combinée à l’ouverture, atténue les rapports de force en « lissant » les statuts des personnes qui participent, contrairement au fonctionnement marchand ou professionnel (des vendeurs face à des acheteurs, des acteurs associatifs face à des usagers demandeurs de services...) qui crée du clivage.

Un autre résultat issu de notre recherche-action est que cette posture inédite bouscule les représentations que les travailleurs sociaux et les institutions adoptent habituellement face aux personnes accompagnées. Ce qui interroge sur le positionnement normatif des travailleurs sociaux. Ne devraient-ils pas sortir de la relation de pouvoir qui s’établit de facto entre celui « qui est supposé savoir » et celui qui « est supposé ne pas savoir » ? Comment, en validant l’expertise d’usage des personnes, en leur permettant de la valoriser à travers le don, le travailleur social peut leur redonner un savoir, une confiance en eux et donc une capacité de décision propre ? Et comment ce gain d’autonomie pourrait-il aider à la mise en route de la participation ? En particulier, le « laisser-faire » et la gratuité ne sont-ils pas de conditions nécessaires au développement d’un espace libre d’expression citoyenne ? Ne sont-ils pas la condition sine qua non pour que les personnes accompagnées trouvent par elles-mêmes une solution à leurs problématiques ?

Sans apporter une réponse, du moins à ce stade de la recherche, nous verrons que le propos doit d’ores et déjà être nuancé. Empiriquement, des inégalités persistent dans la capacité des acteurs-chercheurs à se mobiliser individuellement ou collectivement. De plus, les solutions ne sauraient être trouvées sans être contextualisées à l’intérieur de problématiques plus vastes. Peut-être alors la force du collectif et la capacité d’agir individuellement doivent nécessairement évoluer de concert pour aider les personnes à trouver leurs propres portes de sortie.